Balado « Avec ou sans accent » S3-E9 – Goûts, odeurs et racines: le récit d’immigration de Hamidou Maïga

Dans cet épisode du balado Avec ou sans accent, je reçois Amidou, originaire du Niger, pour retracer avec lui un parcours migratoire marqué par une réorientation professionnelle audacieuse et par une mission profondément ancrée dans l’alimentation. Il arrive au Québec un 13 décembre, accueilli par l’hiver et une pluie verglaçante — une image forte qui représente bien le passage d’un monde à un autre. Rapidement, au-delà du choc climatique, le manque de légumes et d’odeurs typiques de la cuisine africaine se fait sentir. À travers ses mots, on comprend toute l’importance de la dimension sensorielle de l’immigration et la valeur des repères culinaires dans la transmission culturelle, surtout auprès des enfants.

Formé en comptabilité, Amidou décide pourtant de se réinventer. Il se tourne vers l’agriculture, un univers qui lui est familier grâce à l’influence de son père et aux souvenirs des champs, des récoltes et des marchés. Il entreprend alors des études en horticulture à l’ITA et explore la culture de légumes exotiques et tropicaux adaptés à nos latitudes. Sans se limiter à un continent, il s’intéresse aux plantes comestibles qui voyagent avec les peuples et s’enracinent ailleurs au fil des générations. J’admire chez lui cette approche qui conjugue curiosité botanique, adaptation au climat québécois et volonté de proposer des produits culturellement significatifs.

Parmi ses belles réussites, il me raconte la quête du kinkéliba, une plante prisée pour ses feuilles au parfum citronné. Après de longues recherches, il a finalement pu en retrouver un plant dans le champ familial au Niger et le multiplier ici. Cette histoire illustre les défis de l’ethnobotanique, les noms vernaculaires variables, les variétés locales difficiles à tracer, les usages distincts, mais aussi la beauté des rencontres, du travail patient… et parfois des hasards heureux. À cela s’ajoutent d’autres cultures comme l’okra, la patate douce ou encore certains taros, formant un catalogue pensé autant pour le goût que pour la beauté et la résilience des plantes.

L’accueil réservé à ses produits témoigne d’une réalité touchante. D’un côté, les membres des communautés issues de l’immigration retrouvent des saveurs et des récits qui les relient à leur histoire. De l’autre, un public québécois curieux découvre de nouveaux ingrédients grâce à des recettes simples, des marchés fermiers et des collaborations avec des chefs ou des nutritionnistes. Ces rencontres sur les étals donnent lieu à des échanges vibrants, où les légumes deviennent des médiateurs culturels porteurs d’histoires personnelles. C’est beau de voir à quel point la nourriture peut créer du lien.

Au-delà de la production, Amidou porte une mission de transmission. Il veut apprendre aux gens à faire pousser ces légumes chez eux et favoriser une forme de souveraineté alimentaire qui passe par l’accès à des aliments sains, de qualité et culturellement appropriés. Comme membre du Mouvement pour la souveraineté alimentaire et du Conseil du système alimentaire montréalais, il contribue activement à un écosystème où producteurs, transformateurs, distributeurs et citoyens travaillent ensemble.

Son parcours illustre magnifiquement comment l’enracinement, au sens propre comme au figuré, peut faire émerger des solutions locales aux besoins alimentaires d’une société plurielle. Une conversation riche, inspirante, et qui rappelle qu’un simple légume peut porter en lui tout un monde.