Nouvelle saison, nouveau format! Pour la toute première fois, j’ai décidé de passer en version vidéo pour le balado Avec ou sans accent. Je dois l’avouer, je sors complètement de ma zone de confort. M’enregistrer seule dans mon bureau, me voir à l’écran, surveiller mes cheveux ou mes mains qui bougent trop… tout ça m’intimide. Mais c’est aussi le reflet du thème de cet épisode : l’anxiété langagière.
Parce que oui, même quand on connaît toutes les règles de grammaire, qu’on possède un vocabulaire riche et une excellente maîtrise linguistique, il arrive que les mots refusent tout simplement de sortir. Le cœur bat plus vite, la gorge se serre, les mains deviennent moites… et parfois, c’est le silence total.
L’insécurité langagière vs l’anxiété langagière
Il est important de distinguer deux réalités souvent confondues :
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L’insécurité langagière : ce doute constant de ne pas être assez bon, la peur du jugement, la comparaison aux autres.
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L’anxiété langagière : un phénomène plus profond, qui s’exprime par des symptômes physiques et qui peut mener jusqu’au mutisme, par peur de faire des erreurs.
Dans les deux cas, les répercussions sont importantes : elles freinent la progression et minent la confiance en soi.
Le contexte québécois et le “Montréal Switch”
Au Québec, une dynamique particulière se joue. Beaucoup de nouveaux arrivants qui osent parler en français se voient répondre en anglais dès que leur accent est détecté. Même si l’intention est souvent bienveillante (faciliter la compréhension), le message implicite peut être blessant : « ton français n’est pas assez bon ».
Ce phénomène, appelé le Montréal Switch, augmente l’anxiété langagière et prive la personne d’une occasion précieuse de pratiquer. Résultat : plusieurs finissent par éviter d’utiliser le français au quotidien.
Comment apprivoiser l’anxiété langagière?
Heureusement, il existe des pistes concrètes, autant pour les apprenants que pour les enseignants :
👉 Se fixer de petits défis quotidiens : commander un café en français, poser une question simple, écouter 10 minutes de français supplémentaire par jour.
👉 Respirer avant de parler : calmer le corps aide à calmer l’esprit.
👉 Accepter l’erreur : se rappeler que l’imperfection fait partie de l’apprentissage.
👉 Trouver un allié bienveillant : pratiquer avec quelqu’un qui encourage plutôt que de juger.
👉 Créer un climat sans pression (pour les enseignants) : valoriser l’effort, intégrer des jeux, proposer des échanges oraux sans correction immédiate.
👉 Partager ses propres expériences d’apprenant : montrer sa vulnérabilité inspire et rassure.
Le rôle de chacun
L’anxiété langagière ne concerne pas que les apprenants. Comme société, nous avons tous un rôle à jouer. Accueillir l’effort, écouter avec patience, poser des questions ouvertes, répéter avec bienveillance… chaque geste compte.
Car derrière chaque accent, il y a du courage.
Un parallèle inspirant
Dans le film Maurice Richard, une scène marquante illustre parfaitement ce sujet : l’entraîneur anglophone Dick Irvin lit, avec hésitation, un message en français devant son équipe. Sa voix tremble, il fait des erreurs… mais les joueurs ne rient pas. Au contraire, ils célèbrent son effort. Parce que l’important, ce n’est pas la perfection : c’est d’oser.
En conclusion
Que ce soit dans une classe, au comptoir d’un café ou, comme moi aujourd’hui, devant une caméra, sortir de sa zone de confort demande du courage. L’anxiété langagière ne disparaît pas en un jour, mais chaque petit pas compte.
Et si on choisissait, collectivement, de répondre par l’écoute et l’accueil plutôt que par le jugement ou le changement de langue?