Dans cet épisode du balado Avec ou sans accent, je reçois le député québécois Monsef Derraji pour parler d’éducation, de francisation, d’immigration et de participation citoyenne. Même si nous venons de parcours différents et que nos sensibilités politiques peuvent diverger, la conversation reste centrée sur un objectif commun : faire du Québec un lieu où chacun peut s’épanouir en français, avec ou sans accent. Le ton de notre échange est calme, constructif, et axé sur les solutions concrètes plutôt que sur les slogans.
Monsef partage avec beaucoup de sincérité son parcours personnel. Arrivé au Québec pour y faire un MBA en gestion pharmaceutique à l’Université Laval, il souligne à quel point les études supérieures ont joué un rôle clé dans son intégration : création de liens durables, découverte des régions, accès au marché du travail, et surtout, compréhension des codes sociaux d’ici. Il rappelle aussi que la diversité de profils enrichit la vie publique : si les « intellectuels publics » ont leur place, la prise de décision gagne à s’appuyer sur une pluralité de parcours.
Tout au long de la discussion, une idée revient souvent : la francisation est essentielle, mais elle ne suffit pas. Apprendre la langue, c’est communiquer ; s’approprier la culture, c’est appartenir. Le théâtre, la musique, le cinéma, la littérature et l’histoire sociale sont autant de portes d’entrée vers une vraie rencontre. Ce sont ces expériences partagées qui font tomber les préjugés et qui nourrissent des liens durables. Nous parlons aussi de la « préfrancisation » et de l’importance de valoriser le français dans la vie quotidienne : si la langue n’est pas requise ou encouragée, la motivation des apprenants diminue.
Nous abordons également la régionalisation de façon nuancée. Oui, il faut mieux répartir l’accueil au-delà de la métropole, mais cela demande des conditions d’enracinement : un accès à la culture, des réseaux de proximité, une vie communautaire active, du sport, des loisirs. Je cite entre autres le cégep Gérald-Godin et la salle Pauline-Julien à l’ouest de Montréal, qui servent de passerelles francophones dans un milieu plutôt anglophone, ou encore des initiatives simples comme un terrain de soccer qui favorise la mixité et les rencontres.
En filigrane, cet épisode nous invite à revoir notre vocabulaire : passer de l’intégration à l’enracinement et à la participation. Pour moi, cela veut dire conjuguer la langue, la culture, l’école, le travail et la société civile pour former des citoyens à part entière — des gens qui comprennent l’histoire et les valeurs communes, et qui contribuent activement à la vie locale et régionale. Au fond, l’enjeu dépasse l’apprentissage du français : il s’agit de bâtir des ponts, de faire une vraie place aux nouveaux arrivants comme futurs concitoyens, et de nourrir un sentiment d’appartenance durable à travers les arts, la culture et le vivre-ensemble.