Une rentrée sans école

04 Sep 2025

Cette année, c’est l’une de mes premières rentrées sans école. Sans classe.
À moitié un choix, à moitié pas.

La première fois…

Je me souviens de la toute première rentrée sans classe de ma vie. J’étais alors doctorante en éducation. Peu d’enseignants de métier étaient inscrits dans ce programme, et je comprenais vite pourquoi : les horaires de séminaires étaient impossibles à concilier avec une classe à temps plein.

À ma première session, nous avions des séminaires en présentiel les jeudis et vendredis, pendant plusieurs semaines. Incompatible avec l’horaire d’un groupe d’élèves à gérer chaque jour. Moi, dont la vie avait toujours été rythmée par les sonneries, les bulletins et le calendrier scolaire, je me suis retrouvée, en septembre, sans rentrée. Ce n’est qu’à la fin octobre, peut-être même au début du mois de novembre, que j’ai pu reprendre une classe en francisation des adultes. Ce décalage m’avait profondément chamboulée : vivre une rentrée… sans rentrée.

La rentrée de l’an dernier

L’an dernier, j’ai aussi vécu une rentrée sans rentrée. Pas par choix, vraiment. Les postes disponibles étaient sur l’île de Montréal. Or, je suis une indécrottable banlieusarde. Calculer chaque jour 2h de déplacements -minimum!- me paraissait insensé.

J’adore écouter des balados, des livres audio ou la radio, mais j’avais l’impression de gaspiller du temps précieux. Et du temps, pour une pluriactive comme moi, ça compte : en 2h, je peux écrire plusieurs pages, enregistrer un épisode de balado, corriger des travaux ou même nager quelques kilomètres… et parfois tout ça en même temps 😛  Alors non, ce temps-là n’était pas négociable. J’ai donc attendu janvier pour retourner en classe.

Enseigner… mais autrement

Cela ne veut pas dire que je n’ai pas travaillé. Mon automne avait été très chargé : j’avais conçu des cours universitaires pour une université… mais concevoir des cours, c’est toute seule devant son ordinateur durant de longues heures…

Et… je suis une intellectuelle extravertie – oui, ça existe! – et j’ai besoin des autres pour avancer. Les écrans ne remplacent pas la chaleur humaine, ni l’énergie que je puise dans mes étudiants. À l’université, c’est stimulant, certes, mais ce n’est pas le même lien. Ce n’est pas la même intensité relationnelle que d’être vingt heures par semaine avec “ma gang”, ma classe, ce socle social qui me nourrit.

Et puis, il y a les collègues. À Terrebonne, où j’ai enseigné environ sept ans en francisation des adultes, mes collègues sont devenues de véritables amies, certaines l’étaient même avant… Des femmes passionnées, toutes dévouées à la francisation des nouveaux arrivants de notre région. Une équipe éclectique, intergénérationnelle, mais soudée. Nous avons toutes l’amour du français, la culture, l’interculturel et le collectif en commun. Elles me manquent quand septembre arrive sans moi. Elles me manquent autant que mes étudiants.

Cette année… un autre choix

Pour cette rentrée, encore une fois, j’aurais pu accepter une classe à Montréal. J’ai même passé trois jours à calculer et recalculer sur la plateforme du CSSDM – qui, fidèle à elle-même, buguait encore.

Mais en additionnant les heures de voyagement, j’ai vu défiler tout ce que je pourrais faire à la place : écrire mon nouveau livre, préparer ma rentrée universitaire dans trois universités, animer mon balado, concevoir des projets pédagogiques comme consultante, nager, lire. J’ai aussi pris la décision consciente d’alléger ma charge cette année : une université de moins, un groupe de stage refusé, un cours en Abitibi-Témiscamingue décliné.

Parce que j’ai envie de donner plus de place à ce que j’aime : lire, écrire, créer, entreprendre. Et parce que la francisation reste le fil conducteur de tout ce que je fais, que ce soit dans mes mandats, mon balado ou la formation de futurs enseignants.

Faire le deuil… et savourer

Cet automne, je fais aussi le deuil : celui de ne pas avoir de classe, ni de poste de professeure à l’université. Mais je réalise que je suis bien dans le “multi”. J’ai besoin de projets divers, de défis variés, d’être active dans la société autrement que par ma classe, aussi.

La classe n’est pas derrière moi. Elle reviendra. Peut-être plus tard dans l’année. Parce que je sais que je ne passerai jamais une année complète sans elle.

Mais pour l’instant, je savoure – avec un brin de nostalgie – cette rentrée sans école.

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