De la Turquie à la francisation : retour sur une correspondance marquante et une bande dessinée bouleversante, Journal inquiet d’Istanbul.

15 Juil 2025

J’ai toujours adoré lire et écrire. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je suis devenue enseignante de français… et que je me suis spécialisée en francisation.

Mais au-delà des mots, j’ai toujours eu soif de découvrir le monde. Comprendre d’autres réalités. M’imprégner d’autres cultures. Écouter, sentir, goûter.

Et cette curiosité culturelle ne m’a jamais quittée. Elle traverse encore aujourd’hui ma manière d’enseigner le français : une langue vivante, incarnée, enracinée dans les histoires des personnes qui l’apprennent.


Petite, j’avais une correspondante qui vivait à Istanbul. Elle s’appelait Tanya. Moi, Tania. Deux jeunes filles que seule une lettre séparait, mais que des milliers de kilomètres rapprochaient chaque mois. Malgré nos diférences, nous ne voyions pourtant que ce qui nous unissait: les questionnements d’adolescence, une passion folle pour les Backstreet Boys et un amour du français. Parce qu’elle étudiait à l’école française! C’est là aussi que j’ai compris que le français était partout, même sur les rives du Bosphore. 

De la 5e année du primaire jusqu’au cégep, on s’écrivait à la main. De vraies lettres, manuscrites, envoyées par la poste, qu’on attendait avec impatience. Un lien rare, et précieux.

Puis les premières plateformes de clavardage (MSN, entre autres) sont arrivées, et nos lettres papier se sont peu à peu essoufflées. Mais notre lien, lui, est resté.


Quand est venu le temps de voyager seule, ce n’est pas vers la France que je me suis tournée, comme beaucoup de gens dans mon entourage… mais vers la Turquie.

À 18 ans, j’ai enfin rencontré Tanya, en chair et en os. Elle m’a accueillie chez elle pendant presque un mois. Sa famille m’a reçue les bras ouverts, avec une générosité et une chaleur qui me bouleversent encore aujourd’hui.

J’ai ensuite parcouru le pays… avant d’aller rejoindre ma sœur en Grèce.

C’était mon premier grand voyage seule. Et ce fut autant une découverte culturelle qu’un choc.

Je me suis retrouvée dans des coins où personne ne parlait français ni anglais. J’ai dû me débrouiller avec les quelques phrases de turc que je connaissais — et que je maîtrise encore un peu, avec tendresse.

Je me souviens des odeurs d’épices et de charbon, du thé brûlant offert à toute heure, des kumpirs (ces patates farcies au coin des rues), des mantıs (raviolis turcs servis avec du yogourt). C’était bruyant, chaleureux, complexe, déroutant. Et magnifique.

Encore aujourd’hui, la Turquie reste mon pays préféré.


Cet été, c’est une lecture qui m’a ramenée en Turquie.

Journal inquiet d’Istanbul, d’Ersin Karabulut, est une bande dessinée bouleversante. Une œuvre forte, qui raconte la Turquie contemporaine de l’intérieur : les tensions politiques, les fractures sociales, les bouleversements silencieux, et cette fine ligne, si fragile, entre foi, peuple et pouvoir.

C’est une lecture d’été, oui. Mais de celles qui remuent profondément. De celles qu’on lit vite, mais qui laissent une empreinte durable.

Si vous cherchez une œuvre percutante, différente, accessible mais dense, c’est celle-là que je vous recommande. Et même si vous ne lisez jamais de bande dessinées… faites une exception. Elle est magnifique.


Aujourd’hui, j’enseigne à des personnes qui, elles aussi, traversent les langues, les cultures, les frontières.

Mon travail en francisation, en formation, en accompagnement pédagogique repose toujours sur cette conviction : apprendre une langue, c’est bien plus que mémoriser des règles.

C’est s’orienter dans un nouveau monde. S’ancrer. Se raconter autrement.

Si vous cherchez une formatrice, une collaboratrice ou une créatrice de contenu pédagogique qui travaille au carrefour des langues, de la culture et du terrain, je vous invite à me contacter.

À lire également

Une rentrée sans école

Cette année, c’est l’une de mes premières rentrées sans école. Sans classe. À moitié un choix, à moitié pas.